Une ZFE c’est quoi ? – part 2

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Retrouvez la première partie de cet article : Une ZFE c’est quoi ? – part 1 

La question des VUL et des Poids Lourds

La tentation de la ZFE VUL PL

A l’heure actuelle, plusieurs des ZFE françaises ne concernent que les véhicules « marchandises » autrement dit VUL (Véhicules Utilitaires Légers) et PL (Poids Lourds). Or, il est tout-à-fait possible de réglementer également l’accès pour les voitures et pour les 2-Roues Motorisés. Pourquoi ne pas intégrer ces véhicules ? Il est avéré que leur contribution individuelle à la pollution de l’air est plus faible que celle des véhicules utilitaires, qu’ils soient légers ou lourds : c’est une question de poids bien sûr, mais aussi de motorisation car ces véhicules sont très majoritairement motorisés au Diesel, très émetteur de certains polluants (oxydes d’azote notamment).

 

Pour autant, il est difficile de ne pas lire dans ce choix le souhait d’éviter le sujet particulièrement sensible de la contrainte appliquée à la voiture individuelle. Une orientation qui peut s’entendre, mais peut aussi largement ouvrir à discussion :

  • si individuellement leurs émissions sont plus faibles, les voitures représentent une telle part du trafic en ville que leur contribution à la pollution de l’air est très importante au sein du transport, ou a minima significative
  • dans le transport des marchandises et des biens, il n’existe pas d’éventail de solutions de report modal aussi étoffé que dans la mobilité des personnes, ce qui limite les capacités d’adaptation des usagers – le jeu de la comparaison est hasardeux pour des mobilités qui ont si peu à voir, mais de ce point de vue, une ZFE est plus contraignante pour un utilitaire que pour une voiture
  • les particuliers qui détiennent les véhicules les plus vieux sont aussi ceux qui sont les plus fragiles économiquement, ce qui peut motiver une action prudente sur le sujet. Pour autant, le raisonnement est souvent applicable également au monde des entreprises, dont certaines peuvent être mises en difficulté par les réglementations ZFE et les obligations de renouvellement qu’elles induisent.

 

VUL PL, ce n’est pas que du transport de marchandises … loin de là

L’un des premiers enseignements à tirer des territoires ayant mis en place ou étudiant une ZFE sur ce modèle est qu’il est erroné de les considérer comme des dispositifs ciblant les véhicules de transport de marchandises, car si ces véhicules sont bien définis au Code de la Route comme « conçus et construits pour le transport de marchandises » , l’expérience montre que l’on trouve parmi les utilisateurs de véhicules de nombreux autres métiers et activités que le transport de marchandises.

 

C’est particulièrement vrai pour les Véhicules Utilitaires Légers, qui sont en réalité très minoritairement utilisés pour des prestations de livraison ou de transport de marchandises. Dans une étude récente, Interface Transport a ainsi établi que 10% seulement des VUL d’une grande métropole française étaient rattachés à des entreprises relevant d’activités de transport ou d’entreposage : construction, industrie, commerce, services, sont aujourd’hui les principaux secteurs qui exploitent des utilitaires légers.

 

VUL GRDF VUL restaurateur VUL services VUL artisan

Figure 2 : les véhicules utilitaires sont utilisés pour de multiples activités

 

Parmi les activités économiques ainsi concernées, les transporteurs sont en réalité la catégorie la mieux préparée aux enjeux d’une ZFE :

  • Le véhicule est pour eux le cœur du métier, et donc un sujet familier pour lequel les entreprises saisiront vite (ou ont déjà saisi) les enjeux d’une ZFE et ses implications ;
  • Très sollicités, les véhicules sont renouvelés plus régulièrement que dans d’autres métiers, et leur usage important permet aux transporteurs de trouver des modèles économiques intéressants dans le renouvellement de leurs parcs (du fait des consommations en baisse, ou des économies sur le coût de l’énergie dans le cas de la transition énergétique)

 

A contrario, de nombreuses professions sont plus exposées à des effets négatifs d’une ZFE, d’autant que celle-ci cible les véhicules les plus vieux, soit donc ceux qui sont renouvelés très peu souvent. Quelles que soient les raisons pour lesquelles une entreprise renouvelle peu son parc (fragilité financière, matériel atypique donc très coûteux, usage très faible ne justifiant pas de rachat fréquent), celles-ci risquent de se traduire par des difficultés pour ces entreprises à se mettre en conformité avec les règles instaurées par la ZFE.

 

On peut noter enfin (bien que ça ne soit pas le cas majoritaire) que des particuliers sont susceptibles d’être concernés par une ZFE VUL et PL : certains utilisent des petits fourgons à titre personnel, et doivent donc s’assurer d’être en conformité avec les règles de la ZFE, au même titre que les entreprises.

La ZFE concerne des véhicules qui viennent de loin

Un autre enjeu des ZFE est la gestion de l’extra-territorialité : s’il est évident que les entreprises et acteurs implantés dans un périmètre ZFE sont concernés par la réglementation, une grande partie des usagers desservant un territoire viennent de l’extérieur, parfois de très loin, que ce soit là encore pour des activités de livraison ou non.

 

PL européen

 

Figure 3 : Ce poids-lourd, dont le conducteur est perdu dans Lyon, vient des Pays-Bas

 

Bien qu’ils ne soient pas résidents pour les collectivités qui signeront les arrêtés de la ZFE, il ne faut pour autant pas ignorer ces acteurs, car ils contribuent au même titre que les entreprises du territoire à la vitalité économique du territoire.

 

Cette segmentation entre les résidents et les autres est porteuse de nombreux enjeux ou difficultés, dont notamment :

  • La diffusion de l’information sur les conditions d’accès au périmètre : à partir du moment où n’importe quelle entreprise ou particulier est susceptible d’être concernée par une ZFE, même au-delà du périmètre, même à l’étranger, cela implique de penser la diffusion de l’information à une échelle très large
  • La mise en œuvre de solutions ou d’organisations permettant aux entreprises « piégées » à leur arrivée sur le périmètre réglementé, de s’adapter à la contrainte:
    • Configuration des infrastructures permettant de faire demi-tour ou contourner le périmètre (ce qui doit dicter le tracé fin de la frontière du périmètre réglementé)
    • Solutions logistiques de report permettant d’honorer l’objectif du déplacement : flotte de véhicules conformes pouvant être utilisés à l’arrivée, mise en place de services logistiques, comme l’a mis en œuvre Grenoble Alpes Métropole en pensant la mise en œuvre de Centres de Distribution Urbains comme des infrastructures au service de sa ZFE
    • Possibilité de demander (ou acquérir) une dérogation, un droit ponctuel à circuler, comme le permettent de nombreuses ZTL italiennes. Un tel dispositif s’apparente toutefois plus à un péage urbain qu’à une ZFE, et sa mise en œuvre est délicate dans le contexte juridique français
  • La question de l’équité vis-à-vis des mesures d’accompagnement (versement d’aides à l’achat notamment) que mettront en œuvre les collectivités, qui cibleront (légitimement) les locaux en priorité, mais introduiront une distorsion vis-à-vis des autres.

 

Les questions que soulève le rachat anticipé d’un véhicule (capacité à investir, impact environnemental)

L’introduction d’une ZFE qui concerne les VUL et les PL va obliger une grande partie des opérateurs dont les véhicules ne sont pas conformes à les renouveler. En effet, il n’existe pas comme pour le déplacement de personnes de solution évidente de report modal, même si des propositions en la matière commencent à se mettre en place.

 

  • Quelle capacité des opérateurs à investir ?

Une ZFE cible (par construction) les véhicules les plus âgés, et pose la question de la capacité de leurs possesseurs à les renouveler : conserver un véhicule longtemps peut avoir du sens selon les usages, cela peut être aussi le symptôme d’une entreprise qui recule l’investissement dans son remplacement par incapacité à assumer cette charge financière. Les conséquences peuvent donc être particulièrement dommageables, allant jusqu’à mettre en péril la santé voire l’existence des entreprises, ou encore les pousser à relocaliser leur activité, ce qui pénalisera dans ce cas le territoire lui-même.

 

Le fait que des entreprises fragiles soient davantage exposées à la mesure pourrait poser la question d’un côté injuste, mais les ZFE doivent surtout renforcer leur légitimité environnementale en accompagnant les publics les plus exposés, par des mesures d’accompagnement, par des ajustements, par un travail qui permette de concilier ambition environnementale et économique.

 

  • Un bilan environnemental contestable ?

Se mettre en conformité avec les exigences de la ZFE va amener des entreprises ou particuliers à mettre à la casse, de manière anticipée, des véhicules potentiellement encore en état de rouler. D’ailleurs, un certain nombre de dispositifs autres que les ZFE l’encouragent et prévoient le versement de subventions contre la mise à la casse de vieux véhicules : ces dispositifs incitent au renouvellement et donc à l’assainissement du parc de véhicules.

 

A l’ambition environnementale d’une ZFE peut donc s’opposer la critique de ses impacts négatifs : consommation de matières premières et d’énergie liée à la production de véhicules, et gestion du surcroît de véhicules mis à la casse. En outre, les ZFE sont un outil au service de la transition énergétique, et peuvent à ce titre amener une conversion du parc du Diesel vers d’autres énergies, porteuses elles aussi de questions environnementales (en particulier l’électricité qui suppose la fabrication, puis le retraitement de batteries, et la mise en œuvre de moyens de production importante d’électricité pour répondre à ces nouveaux besoins).

 

Toutefois, il ne faut pas oublier que :

  • L’achat d’un véhicule conforme ne suppose pas nécessairement la mise au rebut du véhicule remplacé: celui-ci peut être revendu sur le marché de l’occasion. On peut déplorer le déplacement des sources de pollution vers d’autres territoires qui paierait un tribut aux ZFE des territoires favorisés, mais ce serait oublier que le marché de l’occasion, que ce soit en poids lourds ou en véhicules utilitaires légers, a toujours vu les véhicules se déplacer vers des zones de moindre richesse avec leurs reventes successives (campagnes, pays de l’est ou africains) : il est intéressant que la question éthique de ce processus soit mise en lumière, mais elle n’est pas apparue avec les ZFE

 

  • Il n’existe pas de mesure environnementale parfaite, les ZFE ambitionnent d’améliorer la qualité de l’air et leur efficacité à traiter ce point est avérée. Il est évident que les ZFE ne sont pas une réponse universelle aux problématiques environnementales du transport : la bonne réponse aux enjeux de développement durable tient en une multiplicité de mesures, et leur succès tiendra au cumul de leurs effets positifs.

 

La ZFE va-t-elle tout résoudre ?

La question est aussi naïve que sa réponse est évidente : non seulement la ZFE n’est pas une arme absolue au service d’une planète plus verte, mais ce n’est pas son ambition. Il s’agit bien à travers une telle réglementation d’agir sur la qualité de l’air, et l’efficacité du dispositif à le faire est avérée. Ceci étant, même sur ce sujet, il y a un sens à compléter la mise en œuvre de la ZFE par d’autres actions, qu’elles portent sur le secteur du transport (réduction des kilométrages, report modal …) ou sur d’autres (résidentiel, tertiaire ou industriel par exemple). Le chemin vers une qualité de l’air satisfaisante est encore long !

 

 

Un article de Jean-Baptiste Thébaud – référent du pôle Transition Energétique au sein d’Interface Transport. Accompagnement à la mise en œuvre d’une ZFE, réalisation d’un audit énergétique réglementaire, conseil sur la transition énergétique, étude de faisabilité pour la conversion d’une flotte vers une énergie alternative : pour tous vos besoins, sur les sujets transport et environnement, n’hésitez pas à nous solliciter !

 

 

 

Ils ont fait appel à nous pour les accompagner dans leurs projets de ZFE : agglomérations de Rouen, Grenoble, Lyon, Annecy, Annemasse

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