Le principe de la ZFE
La Zone à Faibles Émissions est un objet réglementaire qui a été introduit par la Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte de 2015. Un temps mis en place sous l’appellation de ZCR (Zone à circulation restreinte), le dispositif porte désormais le nom de ZFE, ce qui est plus fidèle au principe de l’outil[1] : il ne s’agit en effet pas, comme le nom initial pouvait le laisser entendre, de restreindre la circulation, mais bien de réduire les émissions polluantes de celle-ci, en forçant le remplacement des véhicules les plus âgés. A ce titre, la ZFE n’a pas vocation à fluidifier le trafic par exemple, ou à protéger des zones urbaines de la circulation : d’autres actions publiques (règles de circulation, péage urbaine, piétonnisation…) permettent de travailler sur ces sujets, qui ne sont pas celui de la ZFE, un outil au service de l’amélioration de la qualité de l’air.
Le principe fondateur de la ZFE est que plus un véhicule est ancien, plus il pollue et que donc en forçant le renouvellement des véhicules les plus vieux du parc en circulation par des véhicules récents, on obtient mécaniquement un gain sur les émissions polluantes. Cette corrélation entre l’âge et le niveau de pollution tient aux obligations de plus en plus sévères auxquelles sont soumis les constructeurs : depuis 1990, les normes Euro successives définissent les quantités maximales de polluants qu’un véhicule vendu en Europe est autorisé à émettre lorsqu’il parcourt un kilomètre. Régulièrement revus à la baisse, ces niveaux font qu’un véhicule actuel, respectant la norme Euro 6, pollue bien moins qu’un véhicule équivalent vendu il y a quelques années.
Les Certificats Qualité de l’Air
Pour distinguer en pratique les véhicules qui ont le droit de rouler dans une ZFE des autres, la collectivité s’appuie sur la classification des Certificats Qualité de l’Air (CQA). Numérotés de 1 à 5, ces vignettes segmentent les véhicules selon leur niveau de pollution, et les véhicules qui roulent dans une ZFE ont l’obligation d’en disposer : un véhicule sans CQA dans une ZFE est en infraction, même s’il respecte les critères d’âge qui permettent d’y circuler, au même titre qu’un véhicule qui porte un CQA interdit de circulation. Les amendes en cas d’infraction sont de troisième classe (68€) pour les véhicules légers, et de quatrième classe (135 €) pour les poids lourds bus et autocars.
Les CQA témoignent de manière fiable des niveaux de pollution des véhicules car leur définition a été calquée sur celle des norme Euro : dans une catégorie de véhicule donnée, plus le numéro de CQA est faible, plus l’impact sur la pollution de l’air l’est également.
Il faut ici souligner que les CQA (et donc les ZFE avec eux) ne portent pas sur le sujet des émissions de Gaz à Effet de Serre (CO2 notamment), qu’il convient donc de bien distinguer des émissions polluantes. D’autres dispositifs européens ou nationaux portent sur la question des GES, c’est par exemple le cas du malus écologique, dont le barème est défini par les émissions de CO2 du véhicule. A l’heure actuelle, les émissions de CO2 sont indiquées à la carte grise (champ V7), mais il n’existe pas de système d’identification extérieur équivalent aux CQA, et donc pas de « ZFE climatique », pour le moment en tous les cas.
Qui fait des ZFE ?
Depuis les modifications apportées par la Loi d’Orientation sur les Mobilités, une ZFE peut désormais être mise en oeuvre sur n’importe quelle agglomération. ou sur une zone couverte par un Plan de Protection de l’Atmosphère PPA. Si donc n’importe quelle commune peut en mettre en oeuvre, en pratique, le plus souvent, c’est sur les plus grandes agglomérations françaises qu’on retrouvera ces ZFE.
On peut également noter que l’étude de faisabilité d’une ZFE est désormais obligatoire dans les territoires couverts par un PPA (beaucoup les ont d’ailleurs déjà engagées, en particulier les 19 agglomérations lauréates de l’Appel à Projets de l’ADEME sur les ZFE). Cette obligation a été introduite par la Loi d’Orientation sur les Mobilités, qui a modifié le Code de l’Environnement et rendu cette étude obligatoire avant 2025.
Toutefois, cela ne signifie pas nécessairement que les ZFE en question vont voir le jour : rien n’interdit en effet (sur le papier tout du moins) d’imaginer que les études concluent à l’impossibilité de mettre en place une ZFE, ou à l’inefficacité de celle-ci. L’avenir dira quelle proportion de collectivités « transformeront » ces études de faisabilité.
Il convient de noter que ces éléments sont susceptibles d’évoluer prochainement puisque l’une des 150 propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat consiste à étendre le caractère obligatoire à davantage de territoires (en renforçant notamment les critères d’obligation d’établir un PPA – et donc une étude de faisabilité ZFE).
Les ZFE, est-ce que ça marche ?
Les textes réglementaires qui encadrent la mise en œuvre d’une ZFE obligent les collectivités à réaliser des études d’impact préalablement à la création d’une telle zone. L’idée est de s’assurer que les résultats obtenus sur la qualité de l’air seront suffisamment significatifs pour justifier la mesure, ses contraintes et ses coûts. Les collectivités qui ont déjà mis en place des ZFE et certaines de celles qui travaillent sur le sujet ont d’ores-et-déjà réalisé de telles études : d’un haut niveau technique, celles-ci évaluent l’impact du remplacement d’une partie du parc en circulation par des véhicules plus récents ou par d’autres formes de mobilité, sur les émissions de polluants, puis sur la qualité de l’air.
Les résultats de ces études sont souvent significatifs, et permettent de mettre des chiffres sur deux évidences : la ZFE fonctionne, et elle est d’autant plus efficace qu’elle est appliquée sur un périmètre large, et qu’elle est restrictive sur les catégories de véhicules interdits à la circulation.
L’actualité récente nous aura d’ailleurs fourni une illustration poussée à l’extrême de ce phénomène : la diminution drastique de la circulation automobile au printemps 2020 a entraîné des améliorations significatives des concentrations de polluants, en particulier les oxydes d’azote[3]. Le confinement s’est comporté comme une ZFE géante, il a fait la preuve de l’efficacité que peut avoir le dispositif. Un effet collatéral qui s’avère cohérent avec la finalité première du dispositif, à visée sanitaire avant tout … comme les ZFE.
Les aides au renouvellement : partager l’effort
Le sujet de la ZFE est sensible auprès des particuliers et des entreprises. En effet, si de manière générale la préoccupation environnementale et le constat d’urgence d’agir pour améliorer la qualité de l’air sont partagés par tous (on en a tous croisé, mais enfin ceux qui clament qu’ils n’ont rien à faire de l’avenir de la planète se font de plus en plus rares), le sujet ne peut être dissocié de son pendant très concret et au plus près des préoccupations quotidiennes de tous les utilisateurs de véhicules : le renouvellement ou la transition énergétique, ça a un coût.
Acheter un véhicule faiblement émissif, adapter son organisation à ses contingences, s’adapter aux conditions d’approvisionnement d’énergies qui ne sont pas aussi largement disponibles que l’essence ou le Diesel, ce sont des dépenses, directes ou indirectes, qui peuvent constituer un frein à la transition vers une démarche plus vertueuse. Un grand nombre de collectivités, et l’Etat, l’ont parfaitement intégré, et ont mis en place des dispositifs d’accompagnement visant à alléger la facture de la transition énergétique.
La multiplication de ces outils fait qu’aujourd’hui, en cumulant dispositifs d’Etat et aides locales, il est parfaitement possible de s’engager de manière indolore dans la transition énergétique, voire d’en bénéficier. Il ne s’agit pas ici de prétendre que l’abandon du Diesel fera la fortune des entreprises ou des particuliers, mais nombre de dispositifs qui peuvent faciliter cette transition restent largement méconnus, alors qu’ils peuvent efficacement accompagner ceux qui souhaitent s’emparer de ce sujet sans mettre en péril leur bilan.
Un sujet européen
De nombreuses sources documentaires proposent un inventaire des équivalents des Zones à Faibles Emissions en Europe. Citons notamment l’ADEME, qui met à jour régulièrement une publication intitulée « Zones à Faibles Emissions à travers l’Europe »[4], celles-ci étant classiquement désignées sous l’appellation générique « Low Emission Zone ».
On apprend dans ce rapport (et dans les autres publications équivalentes) qu’il existe près de 300 Zones à Faibles Emissions en Europe, plus particulièrement dans certains pays très avancés sur ce sujet. En Allemagne par exemple, qui s’appuie comme la France sur un système national de vignettes, il existe aujourd’hui près de 100 zones à faibles émissions, les premières ayant déjà plus de 10 ans d’ancienneté.
Figure 1 : un des panneaux marquant l’entrée de la « Umwelt Zone » de Berlin : seules les vignettes vertes sont autorisées à la circulation
Les critères d’application, les modalités de contrôle, ou encore la superficie des périmètres concernés sont extrêmement variables d’une zone à l’autre, Londres a même distingué une Ultra Low Emission Zone au cœur de sa très vaste Low Emission Zone. Le dénominateur commun de ces zones est une ambition forte de la collectivité d’améliorer la qualité de l’air, par la réduction des émissions de polluants. Dans plusieurs cas d’ailleurs, ces LEZ ont été mises en place (parmi d’autres outils) pour répondre aux obligations européennes en matière de qualité de l’air : les niveaux de concentration dans l’air de différents polluants (dont le dioxyde d’azote ou les PM10 particulièrement rattachés au secteur du transport) sont en effet réglementés par directives européennes. Autrement dit, les États ont des obligations sur la qualité de l’air, et doivent mettre en œuvre des actions pour améliorer celle-ci si elle ne respecte pas les niveaux réglementaires.
La Commission Européenne n’est d’ailleurs pas la seule institution supra nationale à publier des textes sur la qualité de l’air : l’Organisation Mondiale de la Santé a émis des recommandations, qui sans avoir la portée réglementaire d’une directive européenne, donnent des indications sur les niveaux de concentration à ne pas dépasser pour ne pas mettre en péril la santé humaine. Leur lecture indique que les obligations européennes sont pour certaines alignées sur les recommandations de l’OMS (sur le dioxyde d’azote par exemple), mais pour d’autres, moins contraignantes : même dans le cas (encore théorique aujourd’hui) où la France respectait les obligations européennes sur tout son territoire, elle serait encore loin de l’excellence environnementale sur ce sujet de la qualité de l’air.
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[1] Et lui permet accessoirement d’être cohérent avec le terme consacré utilisé à l’échelle européenne, où ces dispositifs sont communément désignés comme Low Emission Zones
[2] D’après le Code de l’Environnement (article L229-26), dans sa version actuelle qui a été largement remanié par la récente Loi d’Orientation des Mobilités
[3] Cet effet a été mesuré et abondamment documenté par les Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l’Air, qui suivent les niveaux de pollution sur l’ensemble du territoire
[4] Dernière mise à jour en 2018 du rapport ADEME
Un article de Jean-Baptiste Thébaud – référent du pôle Transition Energétique au sein d’Interface Transport. Accompagnement à la mise en œuvre d’une ZFE, réalisation d’un audit énergétique réglementaire, conseil sur la transition énergétique, étude de faisabilité pour la conversion d’une flotte vers une énergie alternative : pour tous vos besoins, sur les sujets transport et environnement, n’hésitez pas à nous solliciter !
Ils ont fait appel à nous pour les accompagner dans leurs projets de ZFE : agglomérations de Rouen, Grenoble, Lyon, Annecy, Annemasse