Ou : comment je me suis retrouvé un lundi à Paris par 30° à pédaler comme un forcené pour suivre un livreur à vélo qui n’en faisait pas moins…
Les préparatifs
Nous sommes début juin et nous avons pris contact avec Olvo, une entreprise qui propose des livraisons dans Paris avec des vélos-cargos (voir notre premier article « A la rencontre de la coopérative de cyclo-logistique Olvo »). Tout-à-fait le profil qu’on aime bien connaître chez Interface Transport, et dont on aime bien savoir comment ils travaillent.
Nous pratiquons régulièrement la tournée embarquée en camion (= je passe la journée avec un chauffeur pour mieux connaître son métier au quotidien), nous avons inventé son équivalent vélo. Faute de pouvoir monter sur le vélo-cargo (et encore vous allez voir…), l’opération se fera avec un vélo suiveur.
Petit coup de chaud garanti…
ATTENTION ! vélo-cargo, ce n’est pas la même chose que triporteur :
A gauche : un triporteur, à droite : un vélo-cargo
L’équipe mobilisée : Raphaël et votre serviteur.
Date : lundi 17 juin 2019.
Raphaël sera en charge du reportage, et moi de pédaler.
Pour diverses raisons (parmi lesquelles se donner une chance que je sois toujours en vie à la fin de la journée), je décide de monter avec mon propre vélo de Lyon. C’est parti !
Tu vas voir Paris Titine
Le « minute par minute »
J-2 : ceux qui se sont déjà penchés sur le sujet (c’est mon cas) savent que prendre le TGV avec son vélo, c’est possible, mais c’est compliqué. Mais c’est possible. Je me débrouille donc pour récupérer un accessoire indispensable à la réussite de l’opération : un sac de transport de vélo.
Jour J : 7h30. Me voici assis par terre à Lyon Part-Dieu, armé d’outils, pour démonter mon encombrant VTC afin de lui donner le statut de bagage.
7h50 : avec une aisance très relative, je passe les portiques pour accéder au train. J’ai comme un énorme sac à main à l’épaule dont dépasse un guidon, on ne peut pas dire que je sois très incognito.
8h04 : j’ai retrouvé Raphaël, c’est parti. A part que je squatte la moitié des espaces bagages à moi tout seul, c’est un trajet comme les autres.
10h10 : Paris ! Je remonte le matériel, puis Raphaël file prendre le métro, et moi vers l’extérieur. Il fait un temps magnifique et il fait déjà chaud.
Contrairement aux TER, les TGV n’acceptent les vélos qu’à la condition de les démonter avant le voyage, et donc de les remonter après
10h25 : comme un parfum de victoire : je roule dans Paris avec mon vélo. C’est tout bête, mais c’est la première fois.
10h30 : elle est où déjà la piste cyclable pour traverser la place de la Bastille ?
10h43 : j’arrive chez Olvo sans encombre, je me présente, on commence à discuter
11h et quelques : Raphaël arrive à son tour. On en était à se demander qui j’allais bien pouvoir suivre dans sa tournée. Nous d’une certaine manière ça nous importe peu, l’idée étant avant tout d’observer un échantillon d’activité avec des trajets vélo et des livraisons, mais il semble que certaines tournées ne s’y prêtent pas. En réalité, l’équipe ne devait être qu’à moitié confiante dans ma capacité à suivre un de leurs livreurs…
11h15 : ce sera Sofiane finalement avec qui je roulerai : il doit partir pas trop loin, et surtout, il a un vélo sans assistance électrique.
11h17 : c’est parti ! Et nous avons Sofiane qui place une grosse attaque dès le départ, je suis un peu surpris (et distancé). En fait, il n’est pas chargé et il veut m’en mettre plein la vue, mais il ne m’impressionne pas : moi vendredi dernier j’ai fait le tour du lac d’Annecy avec toute l’équipe d’Interface Transport, et c’est moi qui portais le pique-nique (et le rosé).
11h20 : le long de l’Hôpital Saint-Louis, je recolle.
11h22 : ah, Paris…
Plouf plouf plouf plouf – ©Visuel
(que celui qui n’a jamais pensé à Amélie Poulain en traversant le Canal Saint-Martin me jette le premier caillou à ricochets)
11h25 : attention ! Le camion !
11h28 : attention ! Le piéton !
11h31 : on arrive à notre première destination. C’est chez une pâtissière, nous allons livrer des gâteaux dans 3 restaurants du coin. Bon point pour moi : les gâteaux, c’est fragile, il va falloir rouler doucement. Sofiane a l’air un peu déçu.
Pour aller livrer un ou deux gâteaux dans le quartier, chargés dans une arrière-cour, le vélo est imbattable.
11h53 : les petites rues peu fréquentées ont leur charme, et se prêtent parfaitement à la circulation à vélo, je peux discuter avec Sofiane c’est un moment très sympa.
12h07 : retour chez Olvo. J’ai pu observer plein de choses intéressantes pendant que Raphaël échangeait avec différents membres de l’équipe, et j’ai essayé de filmer un maximum. Reste une petite frustration : on aurait voulu avoir des photos de livreurs en action, de préférence réalisées par quelqu’un qui en fait de belles (pas moi donc). Nous décidons donc de refaire un tour.
12h26 : rien ne l’imposait vraiment, mais c’est à nouveau avec Sofiane que je pars, pour deux livraisons. Nous avons indiqué notre deuxième destination à Raphaël, qui nous y attendra pour prendre des photos en pleine action.
Une étape sans difficulté majeure ©Relive
12h29 : première étape : Sofiane livre des bureaux en étage dans un complexe immobilier, pendant que je garde un œil sur les vélos. J’échange quelques mots avec le gardien :
« Vous savez, y a des entreprises sensibles ici
– ah bon c’est vrai ? Il y a qui ?
– je peux pas vous le dire, c’est sensible »
12h42 : en route pour le secteur Gare du Nord, où nous attendent 3 livraisons et Raphaël.
« Au secours il y a un type avec un gilet orange ignoble qui me suit depuis tout à l’heure »
12h47 : il y a comme une période de flottement : l’adresse renseignée sur le bordereau ne correspond à rien, aucun d’entre nous ne comprend vraiment où il faut livrer.
« Je cherche la SNCF
– c’est partout la SNCF ici monsieur »
12h59 : en fait, nous n’étions pas vraiment au bon endroit, nous nous dirigeons vers une voirie plus ou moins privée le long du faisceau de la Gare du Nord, nos destinataires sont quelque part dans l’un des dizaines de blocs algeco qui nous entourent.
13h08 : c’est particulièrement compliqué d’identifier le troisième des destinataires des caisses que Sofiane doit livrer, ainsi que l’endroit où il se trouve. C’est en interpellant différentes personnes que l’on croise qu’il finit par honorer ses trois livraisons.
13h17 : Sofiane n’ayant plus rien à transporter, il serait quand même dommage de ne pas expérimenter une extension « transport de voyageurs » pour le vélo-cargo : il fait faire un petit tour à Raphaël dans la cour où nous nous trouvons. C’est assez convaincant !
« Je souris mais en vrai je ne suis pas ultra serein »
13h24 : nous revoilà chez Olvo ! Sur l’ensemble de cette deuxième tournée, nous avons livré 5 destinataires à deux endroits différents, pour 78 minutes de travail du livreur dont 20 minutes de préparation des marchandises et… 17 minutes de vélo. Le travail du livreur à vélo est bien et avant tout un travail de livreur ! Un travail exigeant, qui impose d’être dehors quelles que soient les conditions (froid, chaud, intempéries, pollution), et un travail physique bien évidemment.
13h25 : les livreurs sont en train de manger devant les locaux : ça n’a l’air de rien, mais le temps du repas contribue à la cohésion de l’équipe !
« C’est marrant on dirait une casquette ton casque
– c’est une casquette »
De notre côté, nous montons compléter notre matinée par une petite interview de Leeroyd, le fondateur d’Olvo. J’ai faim.
14h15 : départ pour la Gare de Lyon !
14h30 : pour la deuxième fois de la journée, je me retrouve assis par terre dans une gare à tâcher de donner à mon vélo l’apparence d’une valise. Pendant que je démonte, Raphaël se charge de nous trouver à manger.
15h : assis à nos places dans le TGV
17h20 : retour à Lyon, arrivée à Perrache (travaux à Part-Dieu obligent). Dernière sortie des outils pour remonter, et derniers coups de pédale pour le retour !
Tous nos remerciements à Leeroyd et à l’équipe pour l’accueil et les infos. Et merci bien sûr à Sofiane de nous avoir guidés dans Paris !