Depuis sa création en 1995, Interface Transport s’est construit sur la volonté d’être une passerelle entre sphère publique et sphère privée, un facilitateur au service de la mobilité des marchandises dont les différentes parties prenantes ont parfois du mal à comprendre et faire cohabiter les contraintes et intérêts de chacun.
Le transport de marchandises est par essence une fonction transversale indispensable au bon fonctionnement de l’économie mais également de la vie quotidienne de l’ensemble des citoyens (la crise que nous traversons actuellement en est une illustration sans appel). C’est ainsi que l’écosystème du transport de marchandises en ville est extrêmement varié et riche : professionnels du transport, commerçants, organisations professionnels, acteurs du e-commerce, artisans…
« Si rassembler et faire travailler ensemble tous ces acteurs est incontournable pour faire évoluer efficacement la thématique, il convient néanmoins de fixer un certain nombre de règles et de pré-requis pour que cette démarche soit utile à tous et productive. »
C’est tout le sens des nombreux travaux de concertation sur lesquels Interface Transport intervient depuis de nombreuses années en France mais également en Suisse. Nos formes d’intervention varient : elles peuvent concerner l’animation d’instances de concertation marchandises, la rédaction de guide de bonnes pratiques marchandises ou encore l’élaboration de Plan d’Action Marchandises en co-construction avec les acteurs…
Chaque modalité d’intervention reflète le contexte et les objectifs dans lequel s’inscrit la démarche mais aussi le degré de maturité des différents acteurs impliqués sur le sujet !
Le temps des uns n’est pas celui des autres.. et les besoins non plus !
Ce décalage entre les temps de réflexion, d’action et de décision des acteurs impliqués est une réalité qu’il est non seulement nécessaire d’accepter et de comprendre mais aussi de traiter dès le démarrage de la concertation afin d’éviter de potentielles frustrations.
C’est d’ailleurs là une des principales difficultés dans un process de concertation et de co-construction : comment faire cohabiter des besoins et des contraintes différentes, qui paraissent parfois même opposées dans une échelle de temps très variable elle aussi ?
Les premières étapes de la concertation me font souvent penser à la pyramide de Maslow : cette représentation des besoins qui illustre la nécessité de remplir ses besoins basiques avant de pouvoir se projeter sur des projets moins « essentiels ». De fait, on remarque fréquemment qu’il est impossible pour les acteurs de terrain de traiter de projets long terme sans traiter en premier lieu les points durs rencontrés au quotidien sur le terrain ; le parfait exemple en étant les aires de livraisons non disponibles et mal dimensionnées.
Il est important de ne pas sous-estimer cette pyramide des besoins lorsque l’on se lance dans un process de co-construction sous peine de générer de la frustration pour l’ensemble des participants.
Les méthodes de travail retenues doivent permettre d’intégrer des besoins « basiques » (qui sont généralement réalisables à court terme) mais également moins élémentaires (qui sont en général plus long terme).
Co-construire est un process de fond qui nécessite un cadre temps et des méthodes de facilitation adaptées
L’une des principales difficultés que nous rencontrons au quotidien lorsque nous nous engageons dans un processus de co-construction et de concertation est le cadre temps souvent très contraint qui va de pair avec une obligation de résultats (au sens de produit de sortie) rapide.
Cette façon de faire a de grands avantages, notamment le fait de mobiliser efficacement les acteurs de l’écosystème et de leur garantir des résultats concrets. Par expérience, il n’y a rien de pire, notamment pour des professionnels qui prennent sur leur temps d’activité, de passer plusieurs heures dans des ateliers de travail sans réalisation concrète à la fin du process.
Pour autant, la réalité c’est qu’on ne peut pas décréter la créativité du jour au lendemain ! Passer de l’expérience du quotidien à une posture généralisante et l’inscrire dans une réflexion territoriale plus prospective est un exercice complexe qu’il est difficile de déclencher subitement et sans préparation adaptée.
C’est pourquoi nous sommes convaincus que l‘une des clés de réussite de la concertation réside dans la mobilisation d’outils de facilitation adaptés aux différents temps de la concertation mais également au ressenti des participants qui peuvent se révéler plus ou moins sensibles à certaines méthodes.
Utilisation des méthodes du Speed Boat et Lego (R) lors de séances de concertation
Les étapes à ne pas manquer pour bien réussir sa démarche de concertation
Une vision claire des objectifs (et des moyens) pour structurer une stratégie cohérente
Avant le démarrage du process de concertation, il est indispensable pour nous, facilitateurs, d’accompagner la formalisation des objectifs poursuivis par la collectivité à l’initiative de la démarche.
- Veut-on créer des groupes de travail thématiques ?
- Une feuille de route à 3 ans ? à 10 ans ?
- Veut-on avoir une vision prospective de la mobilité des marchandises à horizon 2040 ?
- S’agit-il de positionner la collectivité comme leader sur l’ensemble des actions qui pourront émerger ou au contraire veut-on que la sphère privée puisse également s’emparer de certaines actions ?
En outre, au-delà des ces objectifs temporels et fonctionnels, la question du système d’objectifs de la collectivité sur le sujet, en termes environnemental, économique ou encore serviciels doit être adressée. De fait, celui-ci permettra d’arbitrer plus facilement lorsque viendra le temps du choix entre un certain nombre d’actions.
Enfin, formaliser un socle d’objectifs dans le cadre de ce process, permet de donner une colonne vertébrale à la démarche autour de laquelle les actions qui émergeront pourront s’articuler et former un tout cohérent.
Un diagnostic partagé
Cela semble évident mais partager un diagnostic de la situation de la mobilité des marchandises sur le territoire est incontournable si l’on veut s’assurer de l’adhésion de l’ensemble des parties prenantes tout au long du processus de concertation.
Valider collectivement les points durs mais également les points forts du territoire en matière de marchandises est une garantie long terme de la pertinence d’une feuille de route ou d’un plan d’action. Ce diagnostic partagé par tous constitue le socle à partir duquel les actions proposées trouveront leur pertinence ou leur potentiel de développement.
Cet exercice présente en outre l’avantage immense de mettre en lumière l’ensemble des composantes du sujet mais aussi des besoins, contraintes et attentes des différentes parties prenantes.
Créer un climat de confiance où la parole peut être libérée
L’un des points communs à tous les travaux de concertation et de facilitation qu’Interface Transport (La Rochelle, Reims, Annecy, Clermont-Ferrand, Genève, Lyon, Stains…) a mené c’est le besoin fondamental des participants de pouvoir … se parler !
Deux moments-clés sont à ne pas manquer selon nous :
« Le sas de décompression » : c’est ce moment où les participants apprennent à se connaître et se parlent de leur quotidien. Ce temps est indispensable, il faut savoir le préserver afin notamment d’être capable de basculer vers un mode plus « réflexif » ensuite. Il serait d’ailleurs incongru de penser que des personnes qui ne se sont jamais rencontrées sont capables de travailler ensemble du jour au lendemain sans rien connaître de l’autre ! Pour autant, il faut savoir cadrer cette phase d’échange afin de la limiter dans le temps et d’être capable de basculer sur une autre étape de travail.
« Ecouter et accepter la vision de l’autre » : ce qui semble simple sur le papier l’est parfois beaucoup moins dans un process de co-construction. On ne participe pas à des ateliers de co-construction pour convaincre les autres participants mais pour faire état de son quotidien, de ses besoins pour exercer au mieux sa profession et rendre ces éléments les plus intelligibles possibles. Le facilitateur joue en cela un rôle important car il doit garantir à chacun un espace de parole (pousser les plus réservés à s’exprimer sereinement et parfois restreindre les plus prolixes !)
Garantir une démarche utile et sur le long terme aux contributeurs
On ne le redira jamais assez mais il est extrêmement frustrant pour les contributeurs qui ont consacré beaucoup de temps à la démarche de ne pas connaître les suites données à la démarche.
Publication officielle des résultats de la démarche, mise en œuvre du plan d’actions, information annuelle de l’état d’avancement des différentes actions… autant de jalons qui constituent un « retour sur investissement » pour les acteurs privés qui ont accepté de s’impliquer activement dans la démarche.
Une démarche de ce type ne doit pas être un « one-shot » : il s’agit d’un processus de long terme dont la rédaction d’une feuille de route n’est pas l’aboutissement mais bien une étape intermédiaire vers un travail de fond sur le long terme impliquant l’ensemble de l’écosystème marchandises du territoire.